Billet d'humeur

Les cris de Picasso

29 octobre 2018
(Enjoliver une situation ferait du mal à mon coeur. Aussi, cet article est hurlant….  😉 (En cette période d’Halloween, c’est approprié !) 
La psy de l’hôpital m’a dit  » Vous en êtes où dans l’appropriation de votre nouvelle poitrine ?  » (première séance) Moment d’absence de mon cerveau : Poitrine ? Poitrine (mon ancienne définition) : ensemble de 2 seins harmonisés, synchronisés, réceptifs aux mêmes envies, capable d’envoyer le même message au cerveau, source de plaisirs visuel et autres. Poitrine (ma nouvelle version) : 2 éléments cohabitant à des étages différents. L’un est en mode pause – il attend son heure – l’autre apprend et prend une forme différente chaque jour. Leur mode de communication est radicalement différent. Si je devais me décrire, je suis une oeuvre de Picasso. Asymétrique et bariolée d’apparence.
Quand je me regarde nue dans le miroir, j’ai envie de hurler. La psy  » il faut commencer à se l’approprier maintenant. Et à ne pas écarter l’autre.  » J’ai envie de crier. Depuis 16 jours, je gère ce foutu drain qui est non seulement douloureux, mais qui, en plus, ne me permet pas de marcher comme je veux, qui empêche ma liberté, qui me sépare physiquement de Laurent. Je ne peux pas me coller à lui. La nuit, je suis une planche dans le lit pour éviter la moindre once de souffrance. Ce drain qui me rappelle continuellement mon statut de malade. Seulement, je tiens à ce sein comme à la prunelle de mes yeux. Alors, chaque matin, je pose ma main sur lui pour apprivoiser son langage. Chaque soir, j’ose le toucher avec de la pommade cicatrisante. Ce n’est pas agréable.  L’ensemble des sens est troublé et à vif. Mais sa peau est chaude. Elle vit. Sa courbe est jolie. Elle cohabite avec des creux qui disparaîtront par la suite, à la deuxième opération.
  • Vue habillée, c’est parfait : aucune différence.
  • Vue des infirmières et mon chirurgien plastique : c’est magnifique. Eux savent déjà l’avenir. Ma forme est une boule de cristal. Ils y voient déjà le magnifique sein qui sortira de cette tourmente. Je n’ai plus qu’à attendre et à faire confiance.
  • Vue dans le miroir, non. Du coup, j’évite le miroir. J’ai assez mal. Tant pis pour la psy.
Et puis, j’ai eu envie de faire comme les spécialistes et voir demain. Je me suis précipitée dans un magasin de lingerie comme on va acheter une bouée de sauvetage. J’ai saisi une lingerie de nuit qui permet le support des 2 seins et de cacher les creux. Ainsi, je vois demain, je ne suis plus une oeuvre de Picasso (que j’apprécie, mais en dehors de mon corps tout de même) et c’est plutôt réussi. P.S : La colère fait partie de la guérison. P.S 2 : La psy rencontrée a été de bons conseils. Son rôle est d’accompagner mais aussi de bousculer lorsqu’il y a besoin. P.S 3 : Je suis dans une situation dite exceptionnelle. Mon ressenti serait sans aucun doute différent sans le drain.

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